Une frontière nationale qui disparaît le temps d’un week-end
Sur les plateaux de l’Arc jurassien, deux communes se côtoient de près: Sainte-Croix (VD) et Les Fourgs (France). Séparées par une frontière nationale qui s’étend à travers la forêt telle une frontière verte, les deux communes partagent cependant de nombreux points communs qu’elles mettent à l’honneur lors d’un événement unique en son genre et au nom sans équivoque: le Festival des Terroirs sans Frontière. Sa particularité? Il a littéralement lieu sur la frontière franco-suisse.
Si les communes en tant qu’entités étatiques n’ont pas nécessairement pour première vocation d’organiser elles-mêmes des animations villageoises, les conditions sont parfois réunies pour que quelque chose se mette en place à travers elles. Le Festival des Terroirs sans Frontière, à la douane franco-suisse de la Grand’Borne, à cheval sur le territoire respectif des communes de Sainte-Croix et des Fourgs, est né de l’initiative de ces mêmes communes, plus particulièrement des membres des pouvoirs exécutifs. Pour Yvan Pahud, actuel vice-syndic de commune de Sainte-Croix et conseiller national, c’est de la volonté d’entretenir un lien régional de longue date et de l’envie de réunir en un lieu symbolique la population issue des deux côtés de la frontière autour d’un même terroir, qu’a émergé l’idée de créer cet événement.
Un patrimoine commun à honorer
Marquée par un riche passé industriel, la commune de Sainte-Croix accueille depuis plus d’un siècle des travailleurs en provenance de la France voisine. L’interconnexion du Jura français et du Jura suisse trouve aussi bien ses racines sur le plan de l’emploi et de l’agriculture que du tourisme, avec des itinéraires pédestres tels que le «sentier des bornes». C’est justement ce lien régional, également présent entre les autorités des deux communes, qui a permis de mettre en place un comité chargé de l’organisation de l’événement.
Créé il y a plus de vingt ans, le Festival des Terroirs sans Frontière, de son petit nom «le marché transfrontalier», a déjà vécu vingt éditions réunissant les artisans du terroir jurassien, venus présenter leurs produits, qu’il s’agisse de fromages, de vins ou de charcuterie, ou encore d’objets décoratifs en bois, de poteries et de bijoux fait main. A cette mise en vitrine des produits du terroir vient s’ajouter une valorisation du savoir-faire au travers du fil rouge de chaque édition. Des traditions horlogères aux traditions pastorales, en passant par le travail du cuir, de la pierre ou du bois, le festival permet de (re)découvrir le patrimoine régional jurassien.
«Les communes donnent le cadre du festival. Ce sont ensuite les bénévoles qui animent l’événement.»
Une collaboration intercommunale transfrontalière réussie
La recette du bon fonctionnement du festival tient à une organisation optimale entre les deux communes suisse et française. Du fait de son emplacement particulier, le festival doit se soumettre à deux types de normes différentes, selon le pays dans lequel sont situées l’une ou l’autre des infrastructures. Afin d’éviter des problèmes au niveau du transport des marchandises par la frontière, les artisans restent chacun de leur côté de la frontière. Cet aspect pratique n’impacte toutefois en rien les bonnes relations qui se sont forgées au fil des années.
En réalité, ce n’est pas tant le fait d’être situé en plein milieu d’une frontière nationale qui pose le plus de difficultés dans l’organisation du festival. Après deux annulations successives liées à la pandémie de Covid, la mise en valeur des relations franco-suisses et du patrimoine régional a pris une forme un peu différente. En 2022, une balade gourmande transfrontalière a réuni près de 600 participantes et participants sur un parcours de quelques kilomètres d’une part et d’autres de la frontière. Au vu du succès de cette nouvelle formule, les communes ont pris la décision d’organiser une année sur deux la balade gourmande en lieu et place du traditionnel festival des terroirs. «Pour que des événements comme celui-ci puissent perdurer, il est important qu’ils évoluent et se réinventent. Il faut aussi trouver des personnes qui ont envie de s’engager. Les communes donnent le cadre, et ce sont ensuite les bénévoles qui se chargent de l’animation le temps d’un week-end», explique Yvan Pahud.
De taille relativement différente, les communes de Sainte-Croix (5000 habitantes et habitants) et des Fourgs (environ 1000 personnes) ont chacune des ressources différentes. Pour le vice-syndic de Sainte-Croix, cela ne représente pas un problème: «La commune de Sainte-Croix dispose de personnel pour mettre en place les infrastructures, et la commune des Fourgs trouve beaucoup de bénévoles actifs lors de l’événement. Chacune contribue à sa façon. Les choses s’organisent de façon terre à terre et avec bon sens.»
Le Contrebandier, symbole du festival
Les pâturages du Jura, propices à la production laitière, sont à l’origine de la tradition fromagère régionale. Symbole de ce savoir-faire et du lien qui unit les communes de Sainte-Croix et des Fourgs, le Contrebandier est un fromage unique, fabriqué au plein cœur du festival, avec, à part égales, du lait suisse et du lait français.