Reconnaître les valeurs paysagères dans la commune

«Le paysage est une notion abstraite. Si tout le monde en parle, personne ne sait vraiment comment l’aborder.» Thierry Morotti, syndic d’Agno (TI), dans le Malcantone, n’est pas le seul de cet avis. Bien que conscientes de la valeur d’une vue dégagée, d’un peuplement forestier remarquable ou d’un espace vert marquant la physionomie de la localité, de nombreuses communes font face à un défi de taille pour préserver ces valeurs sous la pression du développement du bâti. Bien trop vite, la vue sur les montagnes est obstruée, l’arbre centenaire est abattu, ou la surface verte, construite.

Les conseils de spécialistes peuvent, dans ces cas, constituer une aide. C’est pourquoi le Conseil fédéral a consacré un objectif stratégique de la Conception «Paysage suisse» à la sensibilisation et au conseil en matière de paysage. Pour mettre en œuvre cet objectif, l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), en concertation avec les cantons, l’Association des Communes Suisses, l’Union des Villes Suisses et les associations professionnelles concernées, a lancé un projet pilote de promotion des prestations de conseil en matière de paysage. Cette offre s’adresse aux petites et moyennes communes pour traiter des questions concrètes. Des experts aident ces communes à identifier les valeurs paysagères, à clarifier les conflits entre l’aménagement du territoire et l’évolution du paysage et à esquisser des axes de solutions.

S’agissant de la commune d’Agno, le point de départ de la démarche a été l’élaboration en 2020 d’idées directrices pour une stratégie d’urbanisation. Etant donné que ces dernières n’avaient pas tenu suffisamment compte du paysage, le syndic a chargé Alma Sartoris de dresser une vue d’ensemble des valeurs paysagères, des conflits éventuels et des potentiels et de proposer des stratégies. Cette géographe, qui possède son propre bureau de conseil, a discuté des questions à résoudre avec le syndic et le chef du service de l’aménagement du territoire, a étudié les dossiers fournis, a relevé sur place les particularités du paysage et a résumé les résultats dans un bref rapport.

Ses constats: la commune, qui se situe dans la zone d’influence de la ville de Lugano, possède de nombreux atouts: un accès au lac attrayant, des zones forestières variées et des vignobles façonnant le paysage. Sans oublier le fait que ces espaces, facilement accessibles à pied et à vélo à partir de la zone urbanisée, jouent un rôle important pour la détente de proximité. Alma Sartoris est convaincue de la nécessité de tenir compte de cette qualité dans le cadre de la densification et du développement du milieu bâti. Quant au syndic, Thierry Morotti, il se dit satisfait du résultat: «Le rapport nous fournit des bases concrètes sur lesquelles nous appuyer lors des prochains travaux.»

Claudio Simonet, président de la commune de Medel, se félicite également d’avoir bénéficié de ce type de conseils. Sa commune, qui se situe près du col du Lukmanier, est formée de plusieurs hameaux et villages du Val Medel. Ici, c’est la révision du plan d’aménagement local qui a motivé la décision de faire appel à Kenneth Dietsche, conseiller en matière de paysage. La réduction des zones d’habitation prescrite par le canton représente avant tout un défi pour Curaglia, principal village de la commune. Celle-ci souhaitait en savoir davantage au sujet des valeurs paysagères de la localité avant de procéder aux déclassements exigés. Une discussion afin de préciser les questionnements ainsi qu’une visite in situ ont formé les bases pour l’élaboration d’un rapport et d’un plan.

Kenneth Dietsche y traite les rapports spatiaux entre le centre historique du village, le contexte paysager et la route principale, colonne vertébrale de la partie urbanisée. Il met en outre l’accent sur les franges du village et leur imbrication dans le paysage ouvert. Sur la base de ce rapport, il a esquissé des axes de solutions pour le développement de l’urbanisation du village. Ces derniers ont aidé la commune à procéder à la modification requise des zones à bâtir. Les travaux ont été réalisés en collaboration étroite avec l’aménagiste responsable. L’ensemble des parties prenantes a estimé que le processus a été enrichissant: «Le conseil en matière de paysage a apporté une nouvelle perspective sur la thématique du déclassement, qui concerne de nombreuses communes», a résumé Claudio Simonet.

Daniel Arn, qui dirige le projet pilote à l’OFEV, est également convaincu de l’utilité des prestations de conseil en matière de paysage. Selon lui, cette offre aide les communes à reconnaître leurs qualités paysagères spécifiques, à identifier les déficits et à y remédier. Limitée à une charge de quatre de jours de travail, elle vise à stimuler la réflexion. Les communes sont invitées à approfondir les aspects paysagers dans les projets de planification en cours et à les intégrer dès le début de projets futurs.