Recherche personnel qualifié… désespérément
De la main-d’œuvre qualifiée fait défaut dans les communes romandes. Des postes commencent à être mutualisés: Tour d’horizon.
Si les emplois les plus malaisés à repourvoir relevaient jadis dans le canton de Vaud du domaine essentiellement technique (ingénieurs, géomaticiens, informaticiens), les besoins se sont bien élargis. A la tête de l’Union des communes vaudoises (UCV), Eloi Fellay constate «que les annonces concernent aussi maintenant le secteur de la finance avec des postes de boursier». C’est le cas à Gollion, dans le district de Morges, ou à Valeyres-sous-Rances dans le Nord vaudois. Quatre postes étaient aussi à repourvoir rien que pour les offices de la population des communes du canton début février. S’y ajoute, dit-il, «un manque de personnel stable et aux qualifications adéquates pour l’accueil de la petite enfance et du parascolaire».
Annonces en progression
Les annonces pullulent en effet sur le site de l’UCV avec souvent la mention engagement de suite. «Le nombre de fois où les communes nous demandent de relayer leurs offres tend à augmenter», lance-t-il. D’environ 200 entre juin 2020 et juin 2021, elles sont passées à plus de 300 en un an. Bientôt une annonce par jour. Le Valais n’est pas épargné non plus par cette panne de personnel. Faisant écho à la fermeture début janvier des urgences la nuit à l’Hôpital du Valais à Martigny par manque de médecins, le président de Monthey Stéphane Coppey nous confirme des difficultés à recruter dans les soins, en particulier des infirmières et infirmiers pour les centres médicaux-sociaux et les homes. Même casse-tête pour la police de proximité, l’informatique ou pour dénicher des architectes et géomètres. La situation se tendrait aussi dans la construction avec les paysagistes et électriciens avec CFC.
«Le nombre de fois où les communes nous demandent de relayer leurs offres tend à augmenter.»
Choix moins immuables
Directrice de l’Association des communes fribourgeoises, Micheline Guerry-Berchier dresse ce constat: «On observe aujourd’hui une plus grande mobilité du personnel communal alors qu’on comptait auparavant sur des secrétaires et caissiers qui faisaient carrière dans la commune et y habitaient. Le personnel peut davantage se former et faire valoir ses compétences pour monter les échelons ou postuler dans d’autres administrations.» Dans son canton, les secteurs de la finance et de l’informatique sont vulnérables par exemple.
«On observe aujourd’hui une plus grande mobilité du personnel communal alors qu’on comptait auparavant sur des secrétaires et caissiers qui faisaient carrière dans la commune et y habitaient.»
Cette pénurie préoccupe moins la grande commune genevoise de Meyrin et ses 25 000 âmes. «Les seuls profils pour lesquels nous rencontrons des difficultés sont les responsables de projets pour le génie civil et l’urbanisme», confesse Eric Spielmann, responsable des RH. Mais depuis le COVID-19, l’engagement de collaborateurs saisonniers s’avère ardu, surtout l’été pour le gardiennage des piscines. «Beaucoup ont recherché depuis des activités plus pérennes», estime-t-il.
Dans le canton du Jura, le maire de la commune de Boncourt Lionel Maître s’inquiète, lui, d’une pénurie dans les métiers techniques, le bâtiment notamment. «J’avoue que les places dans l’administration sont appréciées par ici pour leur stabilité», relativise-t-il. Sa commune n’aurait recours à des frontaliers français que pour des remplacements. Mais plus au sud, à Bienne, la situation semble plus complexe puisqu’une prime de 800 francs devrait être accordée dans les prochains mois aux employés de la ville, du moins celles et ceux bénéficiant de contrats à durée indéterminée, qui recommanderaient à des connaissances de postuler. Du personnel soignant manque dans les EMS. Idem pour les crèches et écoles à journée continue. «Nous cherchons aussi un jardinier-paysagiste», admet Ruth Perracini-Liechti, responsable du personnel municipal.
«J’avoue que les places dans l’administration sont appréciées par ici pour leur stabilité.»
Affiches bilingues
Concernant la santé, elle doit admettre que des directives cantonales imposent un plan de postes à respecter, la santé restant une prérogative cantonale. «Mais en cas de maladie, de grossesse ou autres absences et départs, il devient toujours plus dur de trouver du personnel pour assurer la transition. Il arrive en outre que nos annonces ne débouchent sur aucune réponse», avoue-t-elle. Début février, les autorités ont fait le forcing avec des affiches bilingues où il est écrit «Arbeite für die Stadt que tu aimes».
La ville veut aussi en profiter pour faire des appels du pied au personnel du canton voisin de Neuchâtel, à qui Bienne offre des cours d’allemand parlé à la pause à midi. Mais les candidatures peinent à tomber. Et pour cause. Selon Frédéric Mairy, président de l’Association des communes neuchâteloises (ACN), son canton fait aussi face à des problèmes pour recruter dans les structures d’accueil extrafamilial en raison d’un nombre de places qui a fortement augmenté.
Postes mutualisés
Des personnes compétentes pour la gestion des eaux ne se poussent pas non plus au portillon dans le canton. A la tête de l’exécutif de Val-de-Travers, Frédéric Mairy relève que les enjeux énergétiques conduisent également toujours plus de communes à se doter d’experts. «Car elles n’ont pas la capacité de proposer des postes à taux d’activité suffisant pour être attractifs.» Conséquence: des emplois mutualisés voient le jour. Les communes de Val-de-Travers et du Littoral Ouest se partagent déjà un coach en insertion professionnelle. Un contrat avec 40% pour le Val-de-Travers et 60% pour le Littoral Ouest. Un poste de délégué à l’énergie pourrait être aussi mutualisé. Même topo pour la santé. Depuis janvier, les services ambulanciers de Val-de-Travers et de Val-de-Ruz se sont ainsi regroupés en une seule S.à.r.l. en main publique.