Planifier avec les sols: Région Morges pionnière
Adaptation au changement climatique, qualité urbaine, et si tout se jouait sous nos pieds? Région Morges s’est dotée d’outils pour intégrer la qualité des sols dans sa planification – également disponibles pour d’autres communes.
Située sur l’arc lémanique, la région morgienne est soumise à une forte pression: son développement démographique entraîne un grand besoin d’espace en matière d’urbanisation et d’infrastructure. «S’il est bien appréhendé, l’essor démographique peut contribuer à aménager un cadre de vie de qualité pour la population», commente Guillaume Raymondon, ingénieur territorial à l’association Région Morges. Il en est persuadé, les sols jouent un rôle fondamental pour créer des espaces de vie de qualité. C’est pourquoi les dix communes de Région Morges se sont lancées dans un projet pilote qui vise à intégrer la qualité des sols dans les processus de planification.
Les sols au service du territoire
Les sols sont rarement considérés dans l’aménagement du territoire. Leur diversité les fait pourtant assumer de multiples rôles comme la réduction des effets d’îlot de chaleur ou encore la protection contre les inondations. Prendre en compte les spécificités des sols peut ainsi améliorer les stratégies vertes des municipalités. «Un sol drainant n’accueillera que très difficilement un beau gazon vert, mieux vaut opter pour une prairie composée de plantes plus adaptées», cite pour exemple Guillaume Raymondon.
Des sols drainants seront en revanche à même de limiter le ruissellement de surface en infiltrant rapidement l’eau de pluie. Les intégrer dans la planification réduit le risque d’inondations. «Dimensionner des canalisations capables d’absorber des pluies extrêmes coûtera beaucoup plus cher que de compter sur des sols perméables et non compactés qui infiltreront les pluies de manière naturelle», commente l’ingénieur territorial de Région Morges. De nombreuses voies vers l’adaptation au changement climatique sont donc indissociables du premier mètre sous nos pieds. Encore faut-il qu’ils ne disparaissent pas sous le béton ou l’asphalte.
Des instruments pour «lire» les sols
Selon Guillaume Raymondon, les collectivités publiques doivent se doter d’instruments adaptés pour piloter l’aménagement de leur territoire. Problème: les instruments actuels sont lacunaires puisqu’ils ne considèrent pas suffisamment les sols et leurs fonctions.
Les indices de qualité des sols (IQSols) veulent parer à ce manque. Dans le cadre d’un projet pilote, Région Morges entend considérer les sols lors des processus de planification grâce à des cartes indicatives représentant les IQSols. Les porteurs de projets peuvent ainsi connaître les enjeux liés aux sols dès le début de la planification et préserver leur qualité. But pour les communes: se fixer des objectifs concrets pour éviter, limiter et compenser d’éventuels impacts et les communiquer à leur population.
«Le projet pilote l’a montré: il existe un besoin général de vulgariser les enjeux liés aux sols.»
Les projets pilote IQSols sont initiés par Sanu Durabilitas, think and do tank actif dans le développement durable. Outre Région Morges, deux autres projets pilotes, l’un dans le canton de Fribourg et l’autre de Berne, testent les IQSols sur leur périmètre. A Fribourg, il s’agit du secteur Chamblioux-Bertigny, un site appelé à devenir un nouveau pôle urbain entre Givisiez, Granges-Paccot, Villars-sur-Glâne et Fribourg. Le projet pilote vise à intégrer les IQSols en amont de la planification des nouveaux quartiers afin de limiter la perte de qualité des sols. Le projet pilote bernois se situe quant à lui sur l’établissement pénitentiaire de Witzwil. Situé dans le Grand Marais, l’établissement est également l’une des plus grosses exploitations agricoles de Suisse. Les enjeux de biodiversité ainsi que d’appauvrissement et revalorisation des terres sont au centre du projet. Les IQSols doivent servir de base aux décisions liées à la productivité agricole du site et à son avenir.
Des projets pionniers
Les porteurs des projets pilotes agissent de manière pionnière et en terrain peu connu. A Région Morges, le projet a invité à une même table des partenaires – aménagistes, municipaux, architectes du paysage, etc. – avec des connaissances des sols variables. Pour Guillaume Raymondon, aborder les sujets de fond sans trop complexifier s’est parfois avéré un défi, mais a également constitué l’un des volets les plus enrichissants du projet. «Le projet pilote l’a montré: il existe un besoin général de vulgariser les enjeux liés aux sols», souligne-t-il.
Des cartes interactives
Afin de rendre les IQSols interactifs et adaptables, Région Morges, en partenariat avec les hautes écoles (HEIG-VD, HEPIA-GE, HEIA-FR), a développé un set de trois outils se basant sur le SIG (système d’information géographique). Le premier outil génère des cartes d’IQSols sur le périmètre des dix communes vaudoises. Appelées «cartes indicatives d’indice de qualité des sols», ce sont elles qui soutiennent la prise de décision lors de planifications. Le deuxième outil permet quant à lui d’adapter manuellement les cartes, et le dernier simule les impacts des projets d’aménagement sur les sols des communes.
Le set d’outils morgiens et les IQSols qu’ils génèrent sont maintenant prêts à être testés dans la pratique. Ils seront par exemple utilisés dans un projet de réaménagement de parcelles, ceci dès les premières étapes du projet. Les trois outils développés en marge du projet pilote morgien sont adaptables à d’autres communes, moyennant un suivi des hautes écoles.