Les bons outils pour gérer l’avenir d’une commune
La conduite politique d’une commune comporte une très grande variété de tâches. Elle sont toutes importantes. Mais la réelle valeur ajoutée d’un exécutif réside dans l’élaboration et la concrétisation d’une vision d’avenir pour la commune.
Prise de décision quant aux affaires communales, conduite de l’administration, représentation et relations avec la population: toutes ces tâches sont importantes mais, à notre sens, la réelle valeur ajoutée d’un exécutif communal réside plutôt dans la conduite stratégique de la commune, dans la définition et la concrétisation d’une vision d’avenir et d’une perspective de développement. L’exécutif doit imaginer l’avenir de sa commune, savoir où il veut l’amener et conduire les actions et projets permettant de traduire ses intentions dans le concret. Pour ce faire, plusieurs outils de gestion sont, ou devraient être mobilisés, en particulier le programme de législature.
Conduite stratégique perfectible
Malheureusement, la réalité montre que, lorsqu’il est utilisé, un programme de législature constitue bien souvent plus une addition de mesures disparates qu’un ensemble d’actions cohérentes convergeant vers un but commun. Il ne repose que trop rarement sur un diagnostic réel de la situation de la commune et est souvent contraint par les quatre ou cinq ans qui constituent la durée d’une législature. Enfin, la traduction dans le concret, via la réalisation de projets sur le terrain, laisse souvent à désirer. Il résulte de tout ceci une conduite stratégique largement perfectible.
Cinq étapes-clés
Pour pallier ces faiblesses, certaines communes décident d’effectuer une réelle démarche stratégique, à l’instar des communes d’Avenches (VD), d’Estavayer (FR), de Ried bei Kerzers (FR), de Boncourt (JU) ou encore de Sion (VS) dont l’expérience sert de base au présent article. Elles utilisent pour ce faire tout ou partie d’une méthodologie structurée en cinq étapes: situation initiale, diagnostic, conception de la stratégie, déploiement et contrôle (*).
- Situation stratégique initiale. La première étape consiste à caractériser la situation réelle de la commune en se basant sur des faits et des chiffres (et non sur une vague perception de la réalité). La Commune de Ried bei Kerzers FR a ainsi pris conscience de sa position favorable entre Morat et Chiètres et d’un tissu économique important mais sous pression, notamment dans le domaine de l’agriculture.
- Diagnostic stratégique. Le diagnostic stratégique doit permettre d’identifier les trois à cinq défis principaux auxquels la commune est confrontée. Pour la Commune d’Estavayer (FR), ces défis consistent notamment à intégrer, suite à la fusion de sept communes intervenue au 1er janvier 2017, ville et villages dans un ensemble cohérent.
- Conception de la stratégie. Sur la base du diagnostic, il s’agit de développer l’intention stratégique de la commune, ce qu’elle entend devenir à un horizon de 10-15 ans, voire plus. La Ville de Sion (VS) ambitionne ainsi de devenir «La capitale suisse des Alpes». Et de décliner cette intention en une position stratégique de succès.
- Déploiement de la stratégie. Cette quatrième étape correspond à l’élaboration du «plan de bataille» ainsi qu’à l’exécution des projets stratégiques. La Commune de Boncourt a ainsi défini plusieurs projets stratégiques autour du développement d’un centre du village convivial, vivant et attractif: réaménagement urbain, requalification du bâti, etc.
- Contrôle de la stratégie. Enfin, les projets se développent en cours de législature, avec bien évidemment un besoin de contrôle de l’exécution. Ainsi, le Conseil communal d’Estavayer passe en revue lors de chacune de ses séances les projets stratégiques d’un dicastère et a réalisé et publié un bilan de fin législature susceptible de servir de feuille de route aux futures autorités.
Une conduite stratégique renforcée
Cette manière de faire structurée et systématique apporte de multiples avantages:
- Positionnement. Elle permet d’identifier un futur à la fois possible et avantageux pour la commune, une réelle position stratégique de succès, et non de vagues intentions basées sur une réalité fantasmée.
- Alignement. La démarche permet, en début de législature, d’aligner les membres de l’exécutif derrière une appréciation de la situation et un but communs, ce qui favorise le travail d’équipe et diminue les tensions politiques. En tous les cas jusqu’aux prochaines élections!
- Cohérence. Elle favorise la cohérence de l’action de l’exécutif, puisque l’ensemble des projets de nature stratégique sont articulés autour de la position stratégique de succès, avec pour corollaire une meilleure allocation des ressources, notamment au niveau de l’investissement.
- Focus. Comme le but est clair, il est plus facile de se concentrer sur les points et projets-clés, sans se disperser dans des actions multiples et variées. Cela donne du momentum à l’action publique et permet de «garder le focus».
- Action. Elle favorise un biais vers l’action pour que les choses deviennent plus simples et plus claires. La gestion des projets est plus aisée car on sait où l’on va, pourquoi et comment. Et le résultat de l’action est contrôlé, avec, le cas échéant, la définition des mesures correctrices qui s’imposent.
Suivre de manière conséquente cette méthodologie renforce la capacité de conduite stratégique de l’exécutif communal et lui permet de jouer pleinement son rôle d’instance de conduite en charge de l’avenir de la cité. Ceci pour le bien de la population de la commune, des employé(e)s de l’administration et, last but not least, pour le bien de l’exécutif communal lui-même!
(*) Le détail de cette méthodologie est présenté dans l’ouvrage suivant: Gilles A. Léchot, 2020 (2e édition), «Stratégie et conduite du changement: méthode de management stratégique», Editions Maxima, Paris