Il est rare qu'il tombe autant de neige, même sur les hauteurs du Jura – mais le service hivernal a encore beaucoup à faire.

Le brouillard givrant remplace la neige dans l’arc jurassien

19.11.2024
11 | 2024

Le réchauffement climatique induit-il de facto une réduction des mesures de précaution hivernales dans les services communaux de voirie? Et partant, des économies? Pas sûr. Avec la remontée de la limite pluie-neige, d’autres phénomènes comme les brouillards givrants s’invitent dans les zones de moyenne montagne. Tour d’horizon dans l’arc jurassien où les hivers ne sont plus aussi rudes.

A La Chaux-de-Fonds (NE), à 1000 mètres d’altitude, il n’était pas rare d’assister autrefois, il y a une quinzaine d’années encore, à l’édification d’imposantes murailles de neige mesurant parfois plus de 2 mètres le long de l’avenue Léopold-Robert. Transformé au fil des jours en glace, ce mur scindait littéralement la ville en deux à hauteur de l’artère principale. Le service de la voirie devait déblayer nuit et jour routes et trottoirs, sans quoi il eût été impossible de circuler intra-muros. Or le réchauffement climatique est passé par là. Les hivers ne sont plus aussi rigoureux sur les hauteurs. Ni dans les Montagnes neuchâteloises. Ni à Saint-Imier, dans le Jura bernois, légèrement en contrebas.

Davantage proactif

«Mais la variabilité des hivers n’a pas permis de faire des économies sensibles sur le poste de déneigement», estime Nicolas Vuilleumier, chef du service urbanisme de cette commune bernoise de 5000 habitants située à 820 mètres. Laquelle ne perçoit aucune subvention cantonale en compensation des conditions géotopographiques, ni pour le déneigement ni pour l’entretien des routes. Mais à Saint-Imier, dès qu’une faible quantité de neige s’abat, les équipes passent à l’action. «Qu’il tombe 8 ou 20 centimètres, le travail est peu ou prou le même aujourd’hui», concède-t-il. En revanche, l’espacement entre deux épisodes neigeux peut avoir une incidence sur le nombre d’interventions.

Mais cela ne signifie pas moins de travail. Les tâches sont plus proactives. «Si le réchauffement n’a pas induit de modification de notre système de veille, celui-ci engendre d’autres missions comme le salage préventif des routes et des trottoirs. Ces opérations nécessitent aussi du personnel.» Pour faire attention par exemple aux coulées d’eau de fonte pour que celles-ci ne gèlent pas.

«Qu’il tombe 8 ou 20 centimètres de neige, le travail est peu ou prou le même aujourd’hui.»

Nicolas Vuilleumier, chef du service urbanisme à Saint-Imier (BE)

Comme à La Chaux-de-Fonds, des alertes neige peuvent être déclenchées à tout moment de début novembre à mi-avril. Via ici un système de piquet (veille active) actionnant l’alarme. Il faut scruter la météo tous les jours, anticiper gel ou/et neige pour les nuits suivantes, vérifier l’état réel de la situation. En cas de faibles précipitations, de petits effectifs partent saler les rues. Mais de gros contingents sont prêts si la neige tombe en abondance, le but étant de rendre le système viaire opérationnel entre 6h00 et 7h00 du matin.  

Brouillards givrants

Un nouveau danger apparaît depuis que le mercure s’affole aussi sur les hauteurs: les brouillards givrants. «Un problème auquel nous sommes confrontés plusieurs fois par an alors que cela relevait de l’exceptionnel par le passé. Il s’agit de rester vigilants aux conditions météo, aux températures, à l’air sec ou humide. Et continuer d’observer si une intervention de salage préventif est appropriée», relève Nicolas Vuilleumier. A La Chaux-de-Fonds, ces brouillards givrants sont observés avec méfiance. «Un phénomène ingérable obligeant nos équipes à rester en éveil», confirme Bekir Omerovic, voyer-chef de la Métropole horlogère.

Là non plus, les coûts fixes pour le poste de déneigement n’ont pas bougé. Les opérations de salage seraient même plus régulières qu’avant. Car le gel et le dégel peuvent se succéder en une seule journée, contraignant la voirie à saler trois à quatre fois par jour. Au cours de l’hiver 2022-2023, très sec, il n’est tombé que 90 cm de neige cumulés à La Chaux-de-Fonds. Du jamais vu dans la ville la plus haute perchée d’Europe. Mais la garde ne baisse pas. Des alertes continuent d’y être envoyées par SMS aux habitants qui le souhaitent.

Dès le mois d’octobre, du personnel auxiliaire intéressé à seconder la voirie peut également s’inscrire auprès de la Ville sur une offre en ligne baptisée «Carte neige». Ce recrutement d’extras date d’il y a une vingtaine d’années. «Rattachées au Service des espaces publics, ces personnes, dont l’âge minimum requis est 18 ans, doivent se présenter – les nuits où il a neigé au moins 5 à 10 cm – au Centre des Travaux Publics à 3h00 du matin, au début des opérations, ou alors à 7h00 pour renforcer les équipes qui déneigent les passages piétons et les escaliers», explique Bekir Omerovic. Entre 20 à 30 personnes s’inscrivent en moyenne chaque hiver à cette offre rémunérée. Offre pour laquelle la Ville octroie cette année une enveloppe de 85 000 francs. Des personnes en attente de régularisation de leur situation en Suisse ou des chômeurs s’inscrivent. Une vingtaine de candidats s’étaient annoncés fin octobre.

Alain Meyer
Collaborateur libre