La station gruyérienne de Charmey se réinvente pour perdurer
Avec le réchauffement climatique, les stations de sports d’hiver de moyenne altitude doivent se remodeler. Les milieux du tourisme leur suggèrent différentes stratégies pour s’adapter. Et les pouvoirs publics leur apportent des aides pour réaliser leur transition. A Charmey, dans les Préalpes fribourgeoises, où le point de départ le plus élevé des pistes se situe aux alentours de 1600 mètres, la société qui gère depuis 2019 les remontées mécaniques affronte des défis au quotidien.
Selon les spécialistes du tourisme et autres experts du climat, l’avenir de ces stations se situerait désormais au-dessus de 1800 mètres. En dessous, les communes doivent aujourd’hui impérativement revoir leur narratif. Par exemple aux Paccots, dans la Veveyse fribourgeoise, l’hiver dernier a été catastrophique aux environs de 1000 mètres d’altitude en raison du manque de neige. Pour survivre, la station s’est dotée ce printemps d’une nouvelle identité tout en élargissant son offre aux autres saisons. Car les prévisions pour les prochains hivers sont tout aussi alarmantes. Une diminution des quantités de neige de 10 à 40% est projetée d’ici à 2050. Si des stations comme Charmey ont déjà pris la mesure du changement qui s’opère, d’autres n’ont pas fait ce pas.
Entretien onéreux
«Beaucoup d’entre elles n’ont encore rien fait ou sont en retard», confie Claude Gendre, directeur général de TéléCharmey SA. Situés à 1000 mètres ou juste au-dessus, de petits domaines skiables commencent à disparaître, confirme-t-il. C’est le cas notamment dans l’Arc jurassien. «D’autres sont dans le dur. Nous avons réagi à temps à Charmey», relève le patron des remontées mécaniques. Il y a cinq ans, la population avait rejeté une hausse d’impôt destinée à renflouer un parc qui avait déjà englouti des millions depuis des années et qui était tombé en faillite. Des investisseurs du canton de Fribourg s’étaient penchés sur le dossier et une nouvelle société avait été constituée, axée sur un tourisme dit de quatre saisons. Avec une transition accentuée vers l’été pour compenser les pertes hivernales. «L’enneigement artificiel a été banni à Charmey dès le début», précise Claude Gendre.
«Beaucoup de stations n’ont encore rien fait ou sont en retard. D’autres sont dans le dur. A Charmey, nous avons réagi à temps.»
Mais sans garantie d’avoir de la neige, comment attirer les adeptes de la glisse sur les 30 km de pistes balisées, atteignables ici par télésiège, télécabine, assiettes, arbalètes, skilift ou tapis? Et faire que la station puisse continuer de tourner. Car neige ou pas neige, l’entretien des infrastructures se monte toujours à quelque
150 000 francs par année. Avec des hivers qui n’en sont plus vraiment, planifier l’engagement du personnel complexifie aussi grandement l’exercice. «Nous évitons d’avoir aujourd’hui une charge fixe trop importante en ressources humaines», explique Claude Gendre. Mais l’exercice montre ses limites. «Nous rencontrons des difficultés à engager durant les mois de janvier et février quand la neige commence à tomber mais que les personnes auxquelles nous pensions ont entre-temps trouvé du travail ailleurs. On y arrive finalement, mais rien n’est facile.»
Visites plus concentrées l’hiver
Avec la pluie qui se mêle dorénavant à la neige à partir de 1200–1300 mètres, s’assurer aussi que les pistes sont en bon état et fonctionnelles n’est pas une sinécure. «C’est très embêtant. Il peut neiger et pleuvoir en même temps aujourd’hui au départ. La qualité d’enneigement remonte d’environ 100 mètres tous les dix ans depuis 50–60 ans», observe-t-il. La limite à partir de laquelle les flocons tombent devrait encore franchir un palier de 200 à 300 mètres dans les vingt prochaines années, selon MétéoSuisse. «En renforçant nos activités entre Pâques et novembre, nous réalisons désormais 65% de notre volume d’affaires pendant la période estivale et 35% en hiver», détaille Claude Gendre. Mais c’est encore en hiver pourtant que les visiteurs affluent le plus à Charmey, avec des pointes jusqu’à 30 000 visites les meilleurs mois contre 20 000 au summum de l’été.
Le canton de Fribourg et son service de la promotion économique ont aussi porté secours à la station gruyérienne en s’appuyant sur la nouvelle politique régionale (NPR) initiée par la Confédération. Dans ce cadre, une aide à l’innovation touristique a été apportée. Si les fanatiques d’escalade peuvent profiter en toute sécurité d’une via ferrata à Charmey, tout près de l’arrivée des remontées mécaniques, c’est grâce au canton qui a injecté près de 200 000 francs dès 2020 pour encourager le développement d’activités estivales. Et maintenir l’attractivité de la station pour le public-cible, les familles, en toute saison. Et assurer des revenus suffisants durant l’été pour diminuer l’impact du ski.
«Boussole neige»
Il y a peu, l’Association suisse des remontées mécaniques (RMS) a présenté, en collaboration avec Suisse Tourisme, un catalogue de mesures intitulé «Boussole neige» pour fournir aux stations des outils et des idées leur permettant de s’adapter aux changements climatiques. Orienter par exemple les pistes autrement, les remonter d’un cran, proposer de nouvelles activités, étendre la saison d’été, créer des aires de jeu, etc.