Michael Pachoud connait tous les recoins de sa région.

Forestiers éclaireurs à l’affût des dangers naturels  

14.10.2024
10 | 2024

Le canton de Fribourg se repose sur une quinzaine de conseillers pour anticiper les dangers naturels et réagir lorsque les éléments se déchaînent. Faisant corps avec la nature, bûcherons et forestiers ont le profil idéal pour remplir cette mission auprès des communes alors que la fréquence des événements imprévus augmente. Comme ce fut le cas avec les crues dans le district de la Gruyère en 2023. Michael Pachoud est l’œil de lynx d’une zone comptant environ 4500 habitants.

Garde forestier pour la région englobant les communes de Charmey, Crésuz et Châtel-sur-Montsalvens, Michael Pachoud est engagé à l’année par la corporation forestière, laquelle a reçu mandat du canton de couvrir des tâches légales sur une surface totale de 3000 ha de forêt, dont 1300 en mains publiques. Surveillance, martelage et conseils aux propriétaires privés lui incombent aussi selon la loi cantonale sur les forêts et la protection contre les catastrophes naturelles. Mais des tâches plus administratives comme la direction et le suivi des chantiers forestiers s’ajoutent à son cahier des charges pour les forêts publiques. Dont beaucoup ont fonction de forêts protectrices. Tri et vente des bois sont aussi de son ressort. Sillonnant la région depuis l’enfance, ce résident de Châtel-sur-Montsalvens en connait tous les recoins. Exceptés des champignonneurs et chasseurs, peu de monde s’aventure là où il se risque.

Dix jours par an

Pour couvrir cette zone de basse montagne située entre 900 et 2000 mètres, le canton l’a choisi pour anticiper les dangers naturels et alerter les autorités des risques. Glissements de terrain et chutes de pierres en particulier peuvent obstruer la route cantonale et entraîner des laves torrentielles. Par deux fois l’an passé – le 11 novembre et le 14 décembre – le cours d’eau de la Jogne est également sorti de son lit près de Charmey, contraignant des habitants à quitter temporairement leurs logements. De la neige s’était accumulée dès l’automne en altitude, suivie d’une fonte rapide et de fortes pluies. «En quelques heures, la rivière est montée jusqu’à un niveau exceptionnel, ce qui nous a pris de vitesse», se souvient Michael Pachoud à propos de la première inondation.

Un mois plus tard et après la mise en place de mesures préventives, l’équipe était plus rassurée. Mais de son aveu, entre les travaux d’avant la crue, la gestion des deux crises et la remise en état du terrain, le forfait de 42 heures par an que le canton lui accorde a été largement dépassé l’année dernière. Fribourg rétribue ses conseillers en DN au moyen d’une enveloppe couvrant un certain nombre de jours par an (voir encadré). «Ce forfait peut s’avérer généreux les années où peu d’interventions sont nécessaires, mais il n’est pas suffisant quand les éléments se déchaînent. Il faudrait dès lors trouver un calcul plus équitable en fonction des régions», explique-t-il. D’autant qu’avec les effets du changement climatique, le pensum pourrait augmenter. Le canton se dit disposé à effectuer une nouvelle analyse si les charges sont plus importantes de manière systématique.

«Les communes peuvent compter sur une carte des dangers réajustée et un cadastre des faits survenus.»

Michael Pachoud, garde forestier et conseiller dangers naturels

Pas de pouvoir décisionnel

Courroies de transmission entre différents intervenants (autorités, pompiers, police, génie civil, etc.) en cas d’événement imprévu, ces experts ne possèdent cependant aucun pouvoir décisionnel. «Quand le niveau de la Jogne monte jusqu’à devenir limite, je contacte la commune concernée et lui suggère de se préparer en positionnant par exemple une machine de déblayage à un endroit», dit-il. La commune peut ensuite alerter la population si nécessaire via les médias et des applications.

A l’affût des zones sensibles, Michael Pachoud a accompagné l’automne dernier le commandant des pompiers qui pilotait les opérations lors des crues, l’informant des risques pour les habitations. «Cet épisode a servi d’enseignement. Une balise qui mesure l’altitude du niveau de l’eau a été installée depuis. Les communes peuvent compter aussi sur une carte des dangers réajustée et un cadastre des faits survenus», précise-t-il. Le Gruyérien ajoute que ces documents ne remplacent pas toujours le savoir-faire. «J’ai été assez proactif jusqu’ici, ce qui permet de gérer les situations plus facilement. Les entreprises forestières ou actives dans le génie civil jouent le jeu lorsque je leur explique qu’elles doivent être prêtes.»

Des filets de protection ont été installés aussi dans la vallée de la Jogne pour éviter les éboulements. «Nous ne pouvons guère faire plus. Fin août, des propriétaires m’ont averti qu’un bloc de pierre s’était déposé à 1 mètre de chez eux. Je suis allé les rassurer, puis ai documenté l’événement pour l’Etat.» Le rapport a été archivé dans une banque de données consultable sur le guichet cartographique cantonal.

Préalpes plus scrutées

Entre cinq et sept jours sont consacrés en moyenne par an et par conseiller à cette mission financée par le canton de Fribourg. Forestiers de formation, les conseillers locaux en matière de dangers naturels

sont au total quatorze à remplir cette tâche pour une dizaine de zones à observer. Si ceux qui exercent sur le Plateau y consacrent quatre à cinq jours par année, le pensum passe de sept à dix jours dans les Préalpes.

Alain Meyer
Collaborateur libre