D’objectifs onusiens à un plan d’actions communal
Des 17 objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies à un plan communal regroupant à la fois des composantes économiques, sociales et environnementales, le chemin semble abstrait. Comment sauter le pas?
C’est une aventure dans laquelle se sont plongées plusieurs communes dont l’exemple de Monthey. Alors comment se lancer dans l’aventure, quels sont les enjeux de ces démarches, les coûts, les avantages mais aussi les obstacles? C’est avec l’expertise de Monsieur Eric Nanchen, directeur de la Fondation pour le développement durable des régions de montagne (FDDM), que nous allons explorer ces différentes questions.
Objectifs de développement durable: transversalité et interdépendance
Dans le domaine de la durabilité, aucune recette universelle n’existe; chaque commune est différente et fait face à des défis spécifiques. Un «plan d’actions» doit répondre à cette diversité et découler d’une problématique très concrète. La bonne nouvelle, c’est que la lecture de cet article fait déjà partie du processus: on débute par un déclic, une première impulsion, une réflexion politique, une demande populaire ou encore un programme-pilote cantonal. Passé cette première phase d’impulsion, un diagnostic de la situation s’impose. Une «photo» à un moment précis de la situation au sein de la commune est un outil précieux pour mettre sur pied un programme de durabilité répondant à des besoins concrets, respectant les priorités de la commune, les impératifs budgétaires ainsi que les demandes de la population. Ce processus de «scannage» de la commune permet à cette démarche de dépasser l’organisation en silo par département spécifique. C’est cela l’une des grandes forces de la durabilité: «une clé de lecture situationnelle et multidimensionnelle».
Concrètement, un plan d’actions doit prendre en compte les trois piliers qui le constituent: l’environnement, l’économie et le social. Eric Nanchen: «Un plan d’actions se doit de prendre en compte les 17 objectifs de développement durable, en les priorisant. La transversalité et l'interdépendance de ces objectifs vont permettre, par exemple, de lier préservation de la biodiversité, adaptation au changement climatique, qualité de vie des habitants et sensibilisation aux enjeux de durabilité.»
Les étapes à suivre pour un programme de durabilité
Plusieurs outils existent pour procéder à l’étape de «scannage». Eric Nanchen cite notamment la Plateforme évaluation de la durabilité de l'Office fédéral du développement territorial ARE, consultable en ligne.
Après cette étape opérationnelle vient la vision politique: quelle couleur doit prendre ce programme et à quels besoins concrets ce dernier doit-il répondre? Pour accompagner cette démarche, il est crucial de mobiliser des personnes du terrain pour répondre à ces deux questions; un secrétaire municipal, la «plaque tournante d’une commune», est par exemple une ressource importante étant donné ses connaissances de l’ensemble des échéances techniques et la majorité des travaux en cours au sein d’une commune.
L’impulsion, l’état des lieux de la situation, la mobilisation des personnes-clés étant terminé, il est maintenant temps de passer à la sélection des actions à réaliser. «Ce choix est déterminé en fonction des enjeux que la commune doit relever à court et moyen terme, ainsi que des priorités politiques. Le défi consiste à intégrer des pratiques plus durables et une approche plus large dans les limites budgétaires prévues», explique Eric Nanchen. On ne parle donc pas d’une démarche somptuaire, mais de travaux prévus avec une vision plus globale, plus durable.
Alors ce processus demande-t-il de nombreuses ressources? La réponse est contrastée et dépend des ressources internes dont dispose la commune. En cas de travaux d’envergure ou dépassant les domaines de compétences métiers des collaborateurs, certaines communes font appel à des consultants externes. Ce soutien n’est pas obligatoire, mais il permet de guider et de pouvoir profiter des outils et des connaissances d’experts. Car de nombreux outils existent, la plupart du temps en libre utilisation. Un tour sur les différents sites cantonaux dédiés à la durabilité est une première piste pour réussir à mettre à profit et s’inspirer de démarches réussies. Ainsi, les communes souhaitant limiter l’impact de manifestation peuvent s’inspirer du «KITmanif» de l’Etat de Vaud. «Celui-ci rassemble les recommandations clés pour la planification de manifestations durables en abordant la mobilité, les déchets, la restauration, les infrastructures et la santé.» Plusieurs communes ont également fait le pari de se regrouper pour mettre en commun des pistes et actions concrètes pour la durabilité sous le nom de «coord21». Un guide pratique a vu le jour en 2020 et constitue une source précieuse d’idées et de pistes pratiques.
Une mise en œuvre et idéalement une communication de la démarche auprès des utilisateurs finaux forment les deux dernières étapes de ces processus.
Un programme de durabilité ne représente pas automatiquement un coût supplémentaire pour une commune. Eric Nanchen souligne que «si un tel processus en plusieurs étapes prolonge la durée consacrée aux réflexions initiales, il permet en revanche de fortement limiter les effets indésirables ou cachés d'un projet.»
La durabilité en tant qu’outil de travail
La durabilité n’est donc pas une fin en soi mais un outil de travail, une grille de lecture qui permet d’intégrer plusieurs dimensions à la gestion du quotidien. «C’est le «pourquoi» et le «comment» d’un projet.» C’est l’opportunité pour les miliciens de gouverner avec une vision à moyen et long terme tout en gérant la complexité croissante des dossiers quotidiens.