
A Viège, un projet pour faciliter l’entrée à l’école
Commencer l’école est un moment clé dans la vie d’un enfant. Cette étape peut constituer un défi, notamment pour les familles issues de la migration. Avec un tiers de personnes étrangères, Viège connaît cette problématique. Faisant figure de pionnière, la commune haut-valaisanne a mis sur pied une offre préscolaire pour faciliter l’entrée à l’école. En sept ans d’existence, le projet a porté ses fruits.
Préparer les enfants à entrer à l’école afin d’améliorer l’égalité des chances: c’est l’objectif du projet de la commune de Viège. Nommé «De meilleures chances grâce à une entrée accompagnée à l’école», il a reçu le prix de la Fondation Pestalozzi 2024. Son initiatrice, Laetitia Heinzmann Bellwald, est éducatrice spécialisée et pédagogue musicale à Viège. Son constat: nombre d’enfants rencontrent des difficultés en entrant à l’école, notamment ceux issus de la migration. «Je l’ai vu avec les réfugiés de l’ex-Yougoslavie, puis lors d’autres vagues d’immigration», explique-t-elle. Ces dernières années, le groupe pharmaceutique Lonza a entraîné un boom migratoire. Sur les 8709 habitants de Viège, 32% sont de nationalité étrangère.
Approche préventive
Forte de ses expériences sur le terrain et en politique en tant que députée, Laetitia Heinzmann Bellwald présente son projet aux autorités communales en 2017. Consciente du besoin, la commune la soutient immédiatement. «La municipalité m’a accordé une confiance totale, m’assurant que si quelqu’un s’engageait dans ce domaine, elle apporterait son soutien». Conseillers municipaux respectivement en charge de la formation et du social jusqu’en janvier, Thomas Antonietti et Michael Lochmatter-Bringhen ont été convaincus par l’approche préventive. «Au lieu d’attendre l’école pour combler les lacunes, le projet prépare de manière ludique les enfants à leur entrée scolaire et leur donne envie d’apprendre.» La collaboration avec la commune se met rapidement en place, avec la mise à disposition des ressources nécessaires - financières et en matière de locaux - et un rôle actif dans la communication avec l’école et la population, évoque Michael Lochmatter-Bringhen.

«La municipalité m’a accordé une confiance totale, m’assurant que si quelqu’un s’engageait dans ce domaine, elle apporterait son soutien.»
Le projet voit ainsi le jour en 2018. L’offre, gratuite et facultative, se veut une «mini-école enfantine». Durant une heure et demie hebdomadaire sur six mois, les enfants participent à une série d’activités comme s’ils étaient à l’école. Laetitia Heinzmann Bellwald utilise la musique, la peinture, le mouvement, la communication et le jeu, soit une méthode sensorielle et interactive en adéquation avec le stade de développement des enfants. «Ce n’est pas la crèche», précise-t-elle, insistant sur le fait qu’il s’agit d’un accompagnement et non d’une offre de garde. Cela doit permettre aux enfants de s’habituer à la structure scolaire, mais aussi de rassurer les parents. En effet, l’entreprise Lonza a amené une main-d’œuvre qualifiée soucieuse de l’éducation. Autre langue, autre culture: «Les parents s’inquiètent souvent du passage à l’école», dit l’initiatrice du projet. Cette offre s’adresse cependant à toutes les familles et profite aussi aux enfants ayant des besoins particuliers.
Demande en croissance
Le succès est au rendez-vous. Depuis 2018, la demande ne cesse de croître: le nombre d’enfants inscrits par année est passé de 13 à 30 en 2025. Autant la population que le corps enseignant se réjouissent de cette offre à l’utilité éprouvée. «Les investissements dans la petite enfance sont fondamentaux et ont un impact positif énorme à long terme sur le développement mental, social et émotionnel des enfants. On renforce aussi l’intégration des familles issues de l’immigration, ce qui a un effet positif sur l’ensemble du tissu social de la commune», souligne Michael Lochmatter-Bringhen.

«Les investissements dans la petite enfance sont fondamentaux et ont un impact positif énorme à long terme sur le développement mental, social et émotionnel des enfants.»
Ce projet pourrait s’exporter à d’autres communes du Haut-Valais, voire plus loin à la ronde. Laetitia Heinzmann Bellwald l’a récemment présenté à Naters, à Brigue et à Loèche. «Toutes trouvent le concept intéressant, cette thématique préoccupe au-delà de Viège ». Elle souhaiterait que plusieurs communes se mettent ensemble afin d’agrandir et de pérenniser le projet. «Plus il y aura de communes, plus notre crédibilité sera grande au niveau cantonal. Cela permettrait de créer un exemple de bonne pratique qu’on pourrait communiquer à l’externe». Les anciens conseillers municipaux partagent cet avis, estimant que, au vu de son succès, ce projet mériterait de se développer grâce à une collaboration intercommunale.
Ce dernier se fait peu à peu connaître hors des frontières cantonales. Une commune argovienne faisant face aux mêmes défis que Viège en raison de son importante industrie et de l’immigration qui y est liée a contacté son initiatrice. Un intérêt a également été manifesté du côté de Zoug.
Le projet en bref
Le projet bénéficie d’un budget annuel de 30 000 francs, qui permet notamment de rémunérer l’équipe de quatre personnes. Celle-ci se compose de spécialistes de la petite enfance, mais pas que: selon Laetitia Heinzmann Bellwald, il est indispensable qu’il y ait des professionnels, mais les personnes avec des compétences sociales et aimant le contact avec les enfants sont tout aussi précieuses. Avec les 25 000 francs du prix de la Fondation Pestalozzi, la pédagogue suit une formation continue afin d’élargir ses connaissances. Également musicienne, elle a créé sa propre méthode basée sur l’histoire des «sept souris aveugles» («Sieben blinde Mäuse») qui promeut une approche scolaire ludique et musicale.
